Taylor Schmidt est jeune, belle, et bien décidée à croquer la grosse
pomme à pleines dents. Fraîchement débarquée à New-York pour y trouver un
emploi, elle se heurte de plein fouet à la crise qui gangrenait déjà le monde
du travail à la fin du vingtième siècle. De jobs minables en entretiens d'embauches
abrutissants, l'espoir de pouvoir payer son loyer autrement qu'en étant
serveuse dans un bar miteux s'éloigne peu à peu, jusqu'au jour où un prospectus pour l'agence de recrutement
Quid Pro Quo atterri dans sa boîte aux lettres. Le poste de ses rêves pour une
paie presque indécente est disponible tout de suite ! Le slogan de l’agence ("Le
job pour lequel on tuerait") n’alerte pas la jeune femme, qui va pourtant
bientôt comprendre que ce n’est pas qu’un jeu de mot. Pour rembourser sa dette
envers Quid Pro Quo, elle va devoir éliminer définitivement quelqu'un qui
occupe un poste depuis trop longtemps...
L’héroïne à l’appétit sexuel assumé évolue
dans les yeux du narrateur qui fut son colocataire pendant les quatre derniers
mois de sa vie. Taylor Schmidt est hypnotisante, source éternelle de fantasmes
qui, à l’image d’un Midas nymphomane, transforme tout ce qu’elle touche en
sexe, une arme non négligeable pour arriver à ses fins.
Totally Killer est le roman de la
génération X , désenchantée et nourrie à la pop-culture, surexcitée et avide de
réussite qu’on découvrait grâce à Douglas Coupland dont l’influence est ici
indéniable, tout comme celle de Bret Easton Ellis, incontournable. Les
références aux années 90 fusent d’ailleurs à chaque page, musicales (De Nirvana
à Duran-Duran), télévisuelles (Seinfeld et MTV), ou encore enfantines (Twister et Docteur
Maboul), et restituent parfaitement l’identité si particulière de l’ultime
décennie du vingtième siècle. L’ennemi numéro un de cette nouvelle génération
est le baby-boomer, solidement accroché à son emploi et difficilement
licenciable, et le conflit intergénérationnel est comparé avec beaucoup
d’humour par l’auteur à la situation du Prince Charles tenu à l’écart du trône
par son immortelle reine de mère. Quid Pro
Quo propose donc une solution avec ce pacte Faustien, recelant bien sûr de
nombreuses possibilités de retournements de situations, exploitées avec talent
tout au long du roman.
Bien que 20 ans se soient écoulés entre
l’action et la lecture de ce roman, il est frappant de constater à quel point
les thèmes centraux restent familiers et solidement ancrées dans l’époque
actuelle. Le chômage et la difficulté de la jeune génération à trouver sa place
sur le marché de l’emploi dessinaient les contours de la crise à venir et
donnent à cette histoire un caractère intemporel, où seule l’invention
d’internet semble avoir redistribué les cartes entre 1991 et 2013.
Outre le portrait d’une génération, Greg
Olear redessine New-York à la sauce 90s alors en pleine transformation, faisant
évoluer ses personnages dans les lieux à la mode de l’époque, émaillant son
récit d’adresses en vogue et de références qui raviront les lecteurs
connaisseurs.
Totally Killer paraît en 2011 aux Editions Gallmeister, qui profitent de la collection
Americana pour s’éloigner de leur ligne éditoriale axée sur le Nature Writing
et la littérature des grands espaces sous toutes ses formes, offrant un regard
noir, très urbain et toujours aussi fort sur l’Amérique. Un premier roman
original, sombre férocement drôle, qui porte un regard ironique sur ces
générations désenchantées.
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