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jeudi 10 octobre 2013

Recyclage

Destiné à l'origine à la revue Transfuge pour qui je devais écrire un article sur un livre en rapport avec New York, c'est finalement rien que pour vos yeux que je vais dire tout le bien que je pense du roman Totally Killer. Et oui, on m'avait parlé de 600 mots à la base, mais il s'avère que je devais en fait écrire seulement 600 signes. Autant dire que j'ai sérieusement charcuté mon texte, et comme j'avais passé plus de 3h dessus (et que j'avais sérieusement les boules) je voudrais quand même qu'il serve à quelque chose! Bref, je vous présente Totally Killer, un roman qui déchire sa mère.



Taylor Schmidt est jeune, belle, et bien décidée à croquer la grosse pomme à pleines dents. Fraîchement débarquée à New-York pour y trouver un emploi, elle se heurte de plein fouet à la crise qui gangrenait déjà le monde du travail à la fin du vingtième siècle. De jobs minables en entretiens d'embauches abrutissants, l'espoir de pouvoir payer son loyer autrement qu'en étant serveuse dans un bar miteux s'éloigne peu à peu, jusqu'au jour où  un prospectus pour l'agence de recrutement Quid Pro Quo atterri dans sa boîte aux lettres. Le poste de ses rêves pour une paie presque indécente est disponible tout de suite ! Le slogan de l’agence ("Le job pour lequel on tuerait") n’alerte pas la jeune femme, qui va pourtant bientôt comprendre que ce n’est pas qu’un jeu de mot. Pour rembourser sa dette envers Quid Pro Quo, elle va devoir éliminer définitivement quelqu'un qui occupe un poste depuis trop longtemps...
L’héroïne à l’appétit sexuel assumé évolue dans les yeux du narrateur qui fut son colocataire pendant les quatre derniers mois de sa vie. Taylor Schmidt est hypnotisante, source éternelle de fantasmes qui, à l’image d’un Midas nymphomane, transforme tout ce qu’elle touche en sexe, une arme non négligeable pour arriver à ses fins.

Totally Killer est le roman de la génération X , désenchantée et nourrie à la pop-culture, surexcitée et avide de réussite qu’on découvrait grâce à Douglas Coupland dont l’influence est ici indéniable, tout comme celle de Bret Easton Ellis, incontournable. Les références aux années 90 fusent d’ailleurs à chaque page, musicales (De Nirvana à Duran-Duran), télévisuelles (Seinfeld et MTV),  ou encore enfantines (Twister et Docteur Maboul), et restituent parfaitement l’identité si particulière de l’ultime décennie du vingtième siècle. L’ennemi numéro un de cette nouvelle génération est le baby-boomer, solidement accroché à son emploi et difficilement licenciable, et le conflit intergénérationnel est comparé avec beaucoup d’humour par l’auteur à la situation du Prince Charles tenu à l’écart du trône par son immortelle reine de mère.  Quid Pro Quo propose donc une solution avec ce pacte Faustien, recelant bien sûr de nombreuses possibilités de retournements de situations, exploitées avec talent tout au long du roman.

Bien que 20 ans se soient écoulés entre l’action et la lecture de ce roman, il est frappant de constater à quel point les thèmes centraux restent familiers et solidement ancrées dans l’époque actuelle. Le chômage et la difficulté de la jeune génération à trouver sa place sur le marché de l’emploi dessinaient les contours de la crise à venir et donnent à cette histoire un caractère intemporel, où seule l’invention d’internet semble avoir redistribué les cartes entre 1991 et 2013.

Outre le portrait d’une génération, Greg Olear redessine New-York à la sauce 90s alors en pleine transformation, faisant évoluer ses personnages dans les lieux à la mode de l’époque, émaillant son récit d’adresses en vogue et de références qui raviront les lecteurs connaisseurs.

Totally Killer paraît en 2011 aux Editions Gallmeister, qui profitent de la collection Americana pour s’éloigner de leur ligne éditoriale axée sur le Nature Writing et la littérature des grands espaces sous toutes ses formes, offrant un regard noir, très urbain et toujours aussi fort sur l’Amérique. Un premier roman original, sombre férocement drôle, qui porte un regard ironique sur ces générations désenchantées.

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